« J’AI ENTRAÎNÉ »… K. DIANI
Serge Vaast, éducateur de Kadidiatou Diani à l’ES Vitry, aujourd’hui éducateur pour les U11 féminines à l’US Ivry, raconte les années vitriotes de l’attaquante internationale et comment il l’a découverte.
« Dans ces années-là, j’étais éducateur à l’ES Vitry. Kadidiatou Diani et moi, on habitait dans la même cité, la Cité des Combattants. « Kadi » jouait dans la cour avec ses très bons amis qui faisaient du football. Les jours où il n’y avait pas entraînement, je me mettais à ma fenêtre. Et ce jour-là, j’ai observé Kadidiatou Diani qui jouait en bas. Et déjà, à son âge (10 ans), elle était à l’aise avec le ballon. Elle était très réservée, elle ne parlait pas beaucoup mais, footballistiquement, elle était déjà très forte. Je l’ai observée et j’ai vu que le football était sa passion. Donc un jour, je suis parti la voir et je lui ai dit : « Franchement, tu joues bien, est-ce que tu joues dans un club ? ». Elle m’a répondu que non et je lui ai demandé si ça l’intéresserait. Elle m’a dit : « Oui, mais il faut voir avec mes parents ». J’ai discuté avec son papa qui, catégoriquement, m’a donné une réponse négative. Pour lui, il était hors de question que « Kadi » aille jouer au foot. Quand j’ai vu que le Papa ne voulait pas, je suis passé par la Maman. Elle n’était pas fermée, mais sa priorité était l’école. Donc, avec sa Maman, on a suivi « Kadi » en même temps pour l’école et pour le foot. Et pour elle, si à l’école, ça n’allait pas, on arrêtait le foot. A l’époque, la priorité était l’école et on ne voyait pas le football comme une porte de sortie, ce qui est tout à fait normal. La Maman était d’accord et a donc inscrit Kadidiatou Diani à l’ES Vitry. Et après, pendant quatre ans, j’ai formé « Kadi ». Il n’y avait pas de filles et elle s’est donc entraînée avec les garçons.
« Kadi » ne parlait pas beaucoup, mais sur le terrain, elle parlait avec ses pieds. Elle avait des qualités hors normes. Et quand les autres joueurs ont vu qu’elle était très forte, douée avec le ballon, elle a fait partie du groupe assez facilement et l’intégration s’est bien passée. Il fallait l’encourager et lui dire que ce qu’elle faisait, c’était très bien. Techniquement, elle était très forte. Elle pouvait faire un crochet, un dribble, un passement de jambes, elle était facile avec le ballon. Sa capacité à éliminer l’adversaire, c’était sa force. La première formation, c’est le foot du rue. Elle jouait tout le temps avec ses copains de la cité, et c’est là que l’on apprend beaucoup de gestes techniques. Elle avait la passion du foot, on a continué à la former et, à l’école, elle a aussi fait ce qu’il fallait pour continuer à jouer. Elle a pris confiance au fil des années et elle a été encore plus à l’aise. C’était du foot à 8 ou 9, « Kadi » jouait beaucoup sur les postes d’attaque, milieu droit ou gauche et attaquante.
Elle a énormément évolué et, avec ce talent qu’elle avait déjà durant ces quatre années, elle est arrivée où elle en est aujourd’hui. C’est formidable pour le club, la ville, ses parents et sa famille. Je suis fier d’elle. Mon rôle d’éducateur, bénévole, je l’ai toujours. J’ai continué à faire ça pendant 30 ans à l’ESV, en faisant grandir ces jeunes par le biais du foot, en leur expliquant que l’école est aussi une priorité s’ils veulent aller loin et s’en sortir. Si je reviens en arrière, quand j’ai vu « Kadi » partir à Juvisy, être appelée en équipe de France U17, et tout le chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui, c’est une fierté pour moi. Et si tous les jeunes pouvaient la prendre en exemple, que ce soient les filles ou les garçons, ce serait bien.
J’ai eu « Kadi » au téléphone il n’y a pas longtemps, elle revenait d’un match qu’elle avait joué avec Lyon. Elle m’avait dit qu’on se verrait quand elle reviendrait à Vitry. Elle est très reconnaissante de ce que j’ai pu faire et elle me l’a prouvé en m’appelant souvent et en me proposant d’aller voir ses matches. Elle ne m’a pas oublié et je la remercie. »
Le Président Jamel Sandjak et Kadidiatou Diani après une finale de Coupe de Paris Ile-de-France remportée avec Juvisy

Kadidiatou Diani et Serge Vaast
Modeste, le porte-bonheur
La métamorphose s’est vraiment faite lors du passage des U14 à U15. Je pense qu’il y a eu un déclic dans sa tête. Pendant l’été, il a énormément travaillé avec un petit groupe de 3-4 joueurs. Ils sont revenus au mois d’août pour la préparation, c’étaient des machines. Et lui, c’était vraiment impressionnant. Pourtant, on le connaissait tous, mais on était choqués, physiquement et même techniquement. C’était un garçon très travailleur, donc on ne se faisait pas de soucis, j’ai toujours cru en lui. Mais à ce point là, non (rires) ! En U11, les jeunes vivaient tous dans le même quartier, se connaissaient tous et il se faisait un peu chambrer. J’avais dit aux autres : « Vous verrez George, il sera bon ». Il avait la bonne mentalité, une marge de progression. Je pensais qu’il serait très bon en DH ou en R1, que si quelqu’un lui faisait confiance, il pouvait aller plus haut. Mais, pas du tout à ce point là, sauf en U15. Là, je me suis dit : « Si quelqu’un le prend, il va au bout ». C’était sûr, il était trop au-dessus, c’était impressionnant. Et encore, c’était la saison du Covid donc on n’a fait que 5 journées de championnat, et il était déjà à 11 ou 12 buts. Après, avec le Covid, il n’y avait plus de championnat ni d’entraînement. Ensuite, on pouvait juste faire des rencontres entre les U15 et les U16 et, de match en match, il progressait. En fait, il a continué sur sa lancée, il ne s’arrêtait plus de progresser. Il prenait les informations et les assimilait à une vitesse impressionnante. Parfois, on décelait des petits manques, on travaillait à peine une semaine et, le week-end, on constatait que c’était assimilé. La progression qu’il a eue était vraiment fulgurante. Il a signé à Amiens et y a fait son parcours, rapide aussi.
Quand je l’entraînais, son Papa était au Nigéria et sa Maman était en France avec ses frères et sœurs. Depuis son arrivée en U11, j’étais un peu le relais de la famille au niveau administratif, quand sa Maman avait besoin, elle me demandait, parce qu’elle ne parlait pas très bien français au début. Donc j’étais souvent chez eux, on est très proches. En U15, quand tout le monde parlait de George, il n’a jamais pris la grosse tête, et ses parents nous ont toujours fait confiance, au club et à moi. Et c’est toujours le cas, alors qu’il joue en Ligue des Champions. Il n’y a rien qui change, ça aide pour grandir quand on est un enfant.
Sa génération, à Antony, je les ai eus pendant quatre ans. Avec tous les enfants que j’ai eus, nous sommes très proches, que ce soit ceux qui ont continué le foot ou arrêté. Nous sommes toujours en lien, avec les parents aussi. Pour George, ce n’est que le début, en tout cas on l’espère, parce que ça va très vite dans les deux sens dans le football. »
On a attendu qu’il soit en âge d’avoir une licence et on l’a intégré aux débutants. C’était un bon petit gamin, qui faisait plaisir à voir, toujours avec un ballon, passionné. Il était aussi très calme, bien élevé. Au niveau football, Warren avait quelque chose qui sautait aux yeux. On avait 200 enfants au club, et tout de suite on a remarqué chez lui une aisance technique et une intelligence dans la réflexion du jeu et du positionnement. Il était différent parce que, quand il recevait le ballon, il savait déjà quoi en faire. Il ne cherchait pas à dribbler tous les gamins ou à jouer personnel. Il avait cette envie de faire briller les autres et on avait l’impression qu’à 5 ans, déjà, il pouvait jouer avec les 8-9 ans. Il était petit, chétif, ce n’était pas celui que l’on connaît aujourd’hui, donc je le protégeais. Comme un enfant surdoué à l’école que l’on ne peut pas garder dans une classe s’il s’ennuie, j’ai pris la décision de le faire jouer avec les 6 ans quand il avait 5 ans. Avec les 6 ans, c’était déjà facile donc je l’ai mis avec les 7 ans. Là aussi, c’était facile donc je l’ai aussi fait passer avec les 8 ans en cours d’année. Et quand il avait 6 ans et demi-7 ans, je le faisais carrément jouer avec les U9. Parfois, il y avait 4-5 kilos d’écart, voire plus, avec les autres. Il était plus petit donc on veillait à ce qu’il ne prenne pas des coups. On disait aux autres : « s’il marque ça vaut double », parce qu’il était plus petit. C’était mignon de challenger les grands. Quand les autres joueurs, plus grands, ne le connaissaient pas, ils demandaient pourquoi on le mettait avec eux. Ils avaient presque honte de jouer avec un petit, je leur disais « on en parlera plus tard ». Et à la fin de l’entraînement, ils disaient « ah oui c’est vrai, il est bon Warren » (rires). Je suis le premier à l’avoir surclassé avant le PSG, mais c’était pour son bien.
Warren Zaïre-Emery est le quatrième enfant en partant de la gauche sur la rangée du haut

