« J’AI ENTRAÎNÉ »… ILENIKHENA

Publié le 22/12/2023

George Ilenikhena a été sous le feu des projecteurs la semaine dernière quand il a inscrit avec son club belge d’Antwerp le but de la victoire face au FC Barcelone lors de la dernière journée des poules de Ligue des Champions à l’âge de 17 ans. Né à Lagos (Nigéria) et arrivé en France à l’âge de 3 ans, l’avant-centre a grandi footballistiquement dans le club d’Antony Evolution Foot entre 2017 et 2021.
           

Tom Bouvil, son éducateur en U11, U12, U14 D1 et U15 Régionaux (actuellement éducateur à Versailles et joueur à Saint-Maur Lusitanos), raconte les années antoniennes de George Ilenikhena.

« Quand j’ai connu George, il était U11 et venait de Bourg-la-Reine, où il était gardien. Il avait emménagé avec sa famille à Antony. D’ailleurs, la semaine précédant son arrivée au club, on avait joué contre Bourg-la-Reine et il était dans les buts, mais je ne m’en souvenais pas. Et quand il a rejoint Antony, il a dit qu’il était joueur de champ. Sur le terrain, il était pataud (rires), très moyen. Il avait des qualités physiques, mais footballistiquement, ce n’était pas trop ça. Et il était arrivé dans une génération qui était très bonne à Antony, avec notamment Daouda Traoré, aujourd’hui pro à Nice, Joachim Kayi Sanda, capitaine de l’équipe de France U17 et joueur de Valenciennes, et d’autres qui ne sont pas encore sortis. Quand George arrive, il est donc plutôt en équipe B, mais s’entraîne quand même avec le groupe A. Sur la saison, il a quasiment tout le temps joué en B. En U12, il a fait des va-et-vient entre la A et la B, mais il avait pas mal progressé, il marquait souvent. Même s’il était un peu brouillon, il avait le sens du but. Mais les autres attaquants étaient quand même devant lui. 
La métamorphose s’est vraiment faite lors du passage des U14 à U15. Je pense qu’il y a eu un déclic dans sa tête. Pendant l’été, il a énormément travaillé avec un petit groupe de 3-4 joueurs. Ils sont revenus au mois d’août pour la préparation, c’étaient des machines. Et lui, c’était vraiment impressionnant. Pourtant, on le connaissait tous, mais on était choqués, physiquement et même techniquement. C’était un garçon très travailleur, donc on ne se faisait pas de soucis, j’ai toujours cru en lui. Mais à ce point là, non (rires) ! En U11, les jeunes vivaient tous dans le même quartier, se connaissaient tous et il se faisait un peu chambrer. J’avais dit aux autres : « Vous verrez George, il sera bon ». Il avait la bonne mentalité, une marge de progression. Je pensais qu’il serait très bon en DH ou en R1, que si quelqu’un lui faisait confiance, il pouvait aller plus haut. Mais, pas du tout à ce point là, sauf en U15. Là, je me suis dit : « Si quelqu’un le prend, il va au bout ». C’était sûr, il était trop au-dessus, c’était impressionnant. Et encore, c’était la saison du Covid donc on n’a fait que 5 journées de championnat, et il était déjà à 11 ou 12 buts. Après, avec le Covid, il n’y avait plus de championnat ni d’entraînement. Ensuite, on pouvait juste faire des rencontres entre les U15 et les U16 et, de match en match, il progressait. En fait, il a continué sur sa lancée, il ne s’arrêtait plus de progresser. Il prenait les informations et les assimilait à une vitesse impressionnante. Parfois, on décelait des petits manques, on travaillait à peine une semaine et, le week-end, on constatait que c’était assimilé. La progression qu’il a eue était vraiment fulgurante. Il a signé à Amiens et y a fait son parcours, rapide aussi.

Du fait que ça soit mon poste en tant que joueur, dans toutes mes équipes je suis un peu plus focus sur les attaquants, un peu plus exigeant avec eux. George, toute cette progression, je l’ai vue, c’était énorme. Et sur la fin, en U15, j’en étais même à me dire qu’il avait le même niveau, à 14 ans, que des joueurs avec qui j’évoluais en N3. A ce moment-là, j’étais sûr et certain qu’il allait devenir pro. Tout le monde ne l’était pas, j’ai discuté avec pas mal de clubs, d’observateurs. Mais moi, je le voyais jouer tous les jours depuis plusieurs années. Et il y avait ce qu’il était capable de faire, mais aussi sa façon de penser, d’être, son état d’esprit. C’est ça aussi qui donnait un peu plus de certitudes. Il ne s’arrêtait jamais, en voulait toujours plus, était tout le temps à l’écoute. Il n’y avait jamais un mot de travers ou une prise de confiance, il était au top. C’est le joueur que tu veux avoir dans ton équipe.
Quand je l’entraînais, son Papa était au Nigéria et sa Maman était en France avec ses frères et sœurs. Depuis son arrivée en U11, j’étais un peu le relais de la famille au niveau administratif, quand sa Maman avait besoin, elle me demandait, parce qu’elle ne parlait pas très bien français au début. Donc j’étais souvent chez eux, on est très proches. En U15, quand tout le monde parlait de George, il n’a jamais pris la grosse tête, et ses parents nous ont toujours fait confiance, au club et à moi. Et c’est toujours le cas, alors qu’il joue en Ligue des Champions. Il n’y a rien qui change, ça aide pour grandir quand on est un enfant.
C’est une fierté de voir ça, un gamin qui était avec moi il y a 2-3 ans jouer en Ligue des Champions. Parfois, on l’oublie, mais il était à Antony il n’y pas si longtemps. Je suis allé le voir contre Porto, c’était un bon match. Je devais aussi voir la dernière rencontre face à Barcelone, mais j’étais malade. J’ai suivi le match de chez moi, mais Georges est entré en jeu très tard, je regardais aussi le PSG et je n’ai pas vu son but ! J’ai reçu des messages et je me suis dit : « C’est pas possible, il a marqué ! ». Je sais qu’il était dans un état de surexcitation après le match, je lui ai dit que j’étais dans le même état (rires).
Sa génération, à Antony, je les ai eus pendant quatre ans. Avec tous les enfants que j’ai eus, nous sommes très proches, que ce soit ceux qui ont continué le foot ou arrêté. Nous sommes toujours en lien, avec les parents aussi. Pour George, ce n’est que le début, en tout cas on l’espère, parce que ça va très vite dans les deux sens dans le football. »

Crédits photos : Tom Bouvil, lusojornal.com, Royal Antwerp FC

Par Florent PIASECKI

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