« J’AI ENTRAÎNÉ »… ZAÏRE-EMERY

Publié le 14/12/2023

Zizek Belkebla, éducateur de Warren Zaïre-Emery au FCM Aubervilliers de l’âge de 5 à 8 ans, actuellement responsable Jeunes du club :

« Warren, on l’a vu arriver dès l’âge de 4 ans et demi parce que son père Franck était éducateur chez nous, au FCM Aubervilliers, il était en charge des féminines. Un peu comme Kylian Mbappé avec son père Wilfried, Warren était toujours sur les talons de son père. On l’a vu débarquer au stade tout petit, il s’entraînait avec son Papa, tapait la balle comme un gamin. C’était un enfant « bio », il n’a pas été formaté, il a grandi sur le terrain et courait après le ballon. Ce sont peut-être ses meilleurs moments, quand il a découvert le ballon au stade en bas de chez lui, mais sans règles et sans structure. On le voyait gambader un peu partout, tout heureux. J’étais responsable des débutants, il était évident qu’il allait s’inscrire au club.
On a attendu qu’il soit en âge d’avoir une licence et on l’a intégré aux débutants. C’était un bon petit gamin, qui faisait plaisir à voir, toujours avec un ballon, passionné. Il était aussi très calme, bien élevé. Au niveau football, Warren avait quelque chose qui sautait aux yeux. On avait 200 enfants au club, et tout de suite on a remarqué chez lui une aisance technique et une intelligence dans la réflexion du jeu et du positionnement. Il était différent parce que, quand il recevait le ballon, il savait déjà quoi en faire. Il ne cherchait pas à dribbler tous les gamins ou à jouer personnel. Il avait cette envie de faire briller les autres et on avait l’impression qu’à 5 ans, déjà, il pouvait jouer avec les 8-9 ans. Il était petit, chétif, ce n’était pas celui que l’on connaît aujourd’hui, donc je le protégeais. Comme un enfant surdoué à l’école que l’on ne peut pas garder dans une classe s’il s’ennuie, j’ai pris la décision de le faire jouer avec les 6 ans quand il avait 5 ans. Avec les 6 ans, c’était déjà facile donc je l’ai mis avec les 7 ans. Là aussi, c’était facile donc je l’ai aussi fait passer avec les 8 ans en cours d’année. Et quand il avait 6 ans et demi-7 ans, je le faisais carrément jouer avec les U9. Parfois, il y avait 4-5 kilos d’écart, voire plus, avec les autres. Il était plus petit donc on veillait à ce qu’il ne prenne pas des coups. On disait aux autres : « s’il marque ça vaut double », parce qu’il était plus petit. C’était mignon de challenger les grands. Quand les autres joueurs, plus grands, ne le connaissaient pas, ils demandaient pourquoi on le mettait avec eux. Ils avaient presque honte de jouer avec un petit, je leur disais « on en parlera plus tard ». Et à la fin de l’entraînement, ils disaient « ah oui c’est vrai, il est bon Warren » (rires). Je suis le premier à l’avoir surclassé avant le PSG, mais c’était pour son bien.
Warren Zaïre-Emery est le quatrième enfant en partant de la gauche sur la rangée du haut

C’est un enfant qui ne parlait pas beaucoup, qui était vraiment à l’écoute, assidu. Il te regardait dans les yeux et comprenait déjà tout ce qu’on lui demandait. Les exercices que l’on faisait, c’est lui qui montrait l’exemple et expliquait aux autres comment il fallait faire. Il savait déjà tout faire et avait surtout cette vivacité d’esprit. C’était vraiment très intéressant. Quelque part, son intellect était vraiment plus impressionnant que son physique ou sa manière de jouer. Ce qui m’a marqué, c’est sa hauteur de point de vue. Le terrain est plat, mais on a l’impression que lui est sur une butte. Il voyait tout de haut, en 3D. Et ensuite, quand le ballon lui arrivait, la magie opérait, et toujours pour le bien de l’équipe. S’il ne marquait pas, ce n’était pas grave et il était content si l’équipe gagnait.

C’est une famille qui est bénévole au club depuis des années et Warren est un garçon bien éduqué. Aujourd’hui, c’est ce qui m’intéresse. Quand je parle aux parents ou aux enfants et que l’on valorise Warren, ce n’est pas par rapport à ses capacité techniques, que tout le monde connaît. Je veux dire aux parents qu’on leur propose le même programme qu’à Warren à l’époque. Mais surtout, il faut souligner que ses parents restaient dans la tribune, n’interféraient pas dans les choix de l’entraîneur, ne venaient pas perturber la séance. Tout ça nous fait un bien fou, nous pouvons montrer que nous avons le même programme pour Warren Zaïre-Emery que pour un autre enfant. Nous sommes tous sur la même longueur d’ondes. Après, si on a un Warren, c’est très bien. Ce qui est important, c’est de valoriser le travail que nous avons fait avec lui, même si cela représente 1% de sa formation. La formation de Warren a été chapeautée par des super éducateurs au PSG. Nous, nous lui avons fait aimer le foot, une passion qu’il avait déjà. Mais le mérite en revient au PSG, avec le travail sur mesure dont il a profité. Ils ont su mettre en évidence ce joyau. On est content de l’avoir croisé parce qu’il habitait en face du stade, mais il faut rendre hommage aux éducateurs du PSG qui ont pris le relais et fait le joueur qu’il est devenu, international. C’est magnifique. »

A noter que Zizek Belkebla est également consultant pour Canal+ et écrivain (il a publié « Mohand et Raoul, l’Arabe et le Juif » aux éditions du Bon Temps). 

Crédit photo : Zizek Belkebla et PSG

Par Florent PIASECKI

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