Christine Aubere : « Issy aura toujours sa place dans l’élite »

Publié le 17/06/2020

Au terme d’une saison particulière, le club d’Issy Foot Féminin a réalisé un doublé historique en faisant monter ses deux équipes première et réserve respectivement dans l’élite hexagonale (D1) et régionale (R1). L’aboutissement d’un projet sportif qui a vu le jour en 1997 avec la création du club sous l’impulsion d’une communauté de joueuses péruviennes et qui a su franchir les étapes, redescendre pour mieux rebondir, et se structurer afin de retrouver sa place au sommet. Un cheminement et un élan impulsé depuis 2011 par la Présidente, Christine Aubere, ancienne joueuse de D1 au PSG, qui a su communiquer et appliquer son envie et ses idées.   

Christine Aubere, à quoi attribuez-vous l’incroyable succès d’Issy Foot Féminin cette saison ?
« C’est le résultat d’un projet club sur lequel on travaille depuis plusieurs années et dont l’idée principale était de ne pas se précipiter mais plutôt de construire dans le temps et de créer des passerelles entre les différentes catégories. C’est une grande fierté pour nous, mais surtout pour les joueuses, les bénévoles, pour tout l’encadrement. Ils ont été les artisans de cette magnifique performance. »

Vous avez marqué les esprits notamment avec votre équipe de D2 qui survolait son championnat avant l’arrêt des compétitions. Comment expliquez-vous cette domination ?   
«  Après notre descente en DH (R1), il a fallu reconstruire pour performer dans les années à venir et pas seulement ponctuellement. L’idée était de construire un vrai groupe avec un staff installé ce qui est le cas depuis 4 ans. A l’intersaison nous nous sommes appliqués à renforcer chaque ligne. Nous avions l’objectif de finir dans le haut du tableau. Après, ça a été une superbe surprise d’être premières et on s’est pris au jeu. Nous voulions effectuer un très bon début de championnat. C’est ce qui s’est produit et notre expérience du haut niveau, depuis des années, nous a permis d’être constantes, ce qui a fait la différence. Le groupe est resté soudé grâce au staff qui a effectué un excellent management du groupe pour faire en sorte que les filles soient toujours présentes et impliquées en analysant aussi les performances sur la saison et non pas sur des matches. »

Rappelez-nous quelles ont été jusqu’ici les grandes étapes de ce club d’Issy ? 
« C’est un club relativement jeune puisqu’il a été créé en 1997 par une association péruvienne. Son nom au départ était Europérou qui est devenu sous l’impulsion du Maire d’Issy-les-Moulineaux, André Santini, Issy Football Féminin. Parmi ces joueuses péruviennes pionnières certaines sont encore au club, d’autres sont revenues. C’était un objectif que de les faire revenir. Ainsi la boucle est bouclée. Il ne faut jamais oublier son histoire pour encore mieux se projeter dans l’avenir. Le but au départ était d’essayer de construire un club avec des résultats et surtout de faire en sorte que ce club se pérennise dans le temps. Nous avons gravi tous les échelons d’année en année et petit à petit.  Nous avons été jusqu’en D1 lors de la saison 2011-2012, avant de redescendre, puis de remonter et enfin de descendre de nouveau en D2 où la restructuration des championnats nous a envoyés en DH (R1). Nous tentons aujourd’hui de nous adapter aux changements, à la professionnalisation qui commence à s’installer dans la pratique au féminin. L’idée était de ne pas se perdre dans tout cela en allant trop vite, mais de construire intelligemment et sur le temps. »

Dans ce football féminin qui mute beaucoup, est-ce qu’Issy peut s’inscrire durablement dans l’élite ?
« Il est vrai que le football au féminin évolue très rapidement. Parfois pas en adéquation avec les volontés propres que nous pourrions avoir et qui pourraient correspondre à l’exigence que demande l’élite. Aujourd’hui nous avons de l’expérience, mais il faut continuer de se structurer. La D1 d’il y a quelques années n’est pas la D1 d’aujourd’hui. Notre progression passera notamment par trouver  un stade de niveau 3 qui permette d’accueillir le championnat avec toutes les exigences qu’il y a autour et surtout d’offrir un beau spectacle aux Franciliens pour que le football au féminin puisse avoir une belle vitrine avec le FF Issy et la région. Nous allons continuer à rester dans l’élite. Que ce soit en D1 ou en D2. Ce sont des championnats qui vont se renforcer car ils vont se professionnaliser. Mais Issy aura toujours sa place dans cette élite. En revanche, elle va muter et c’est à nous aussi de prendre le bon tournant pour évoluer en même temps que ce championnat de France. Il faut continuer de construire car l’élite est la conséquence d’un projet global et notamment de la base. C’est là où nous devons travailler avec nos techniciens pour faire en sorte que l’on puisse alimenter avec nos jeunes l’élite de demain au sein des « Chouettes » (le surnom des joueuses d’Issy). »

Il semble difficile que vous puissiez rivaliser en termes de moyens avec des équipes qui sont de plus en plus des équipes de clubs pros.
« Ce sera effectivement impossible de rivaliser sur ce plan. Nous n’aurons jamais les moyens de Paris, de Lyon ou d’autres clubs pros qui mutualisent. Ils n’ont pas forcément un énorme budget, mais ils mutualisent leurs compétences entre le masculin et le féminin avec les centres de formation également. L’idée est de travailler sur un projet qui aille en peu dans ce sens-là, sans forcément se rapprocher d’un club, mais au moins en tentant de construire un projet économique autour de tout cela. Nous sommes en discussion notamment avec le département pour faire en sorte qu’il soit, avec Grand Paris Seine Ouest,  un des partenaires privilégiés. Il ne faut pas oublier qu’en football, Le FF Issy est le club qui évolue au plus haut niveau masculin et féminin confondu dans les Hauts-de-Seine. »

Par quoi passera notamment cette professionnalisation pour Issy ?
« La structuration globale du club parce qu’on passe d’un niveau amateur à un niveau qui va se professionnaliser de plus en plus. Sur Issy, la cité des sports va être livrée dans deux ans. Il s’agit d’un énorme complexe qui sera capable d’être hôtes des JO 2024. On sera résident là-bas et l’idée c’est d’être patient pour arriver jusqu’à ce terme afin que l’on puisse enfin évoluer comme on l’entend et comme nos partenaires nous le demandent aussi. »  

Quelle allure aura l’effectif de votre équipe première la saison prochaine ?
« Nous allons, comme cette année, nous renforcer par ligne sans bouleverser le groupe et sans recruter à outrance. Ce qui peut être attractif c’est notre expérience de club au niveau national et international où on commence à être reconnu. Les joueuses qui viennent sont parfois avides d’expérience, pour d’autres c’est un tremplin pour rebondir, tandis que certaines auront envie de terminer leur carrière en ayant moins de pression. C’est une offre au cas par cas que l’on peut adapter aux joueuses. »

Si vous deviez résumer la philosophie de ce club que vous connaissez si bien. Quelle serait-elle ?
« Quelques mots d’abord. La persévérance, l’humilité, le respect, les valeurs que le sport doit porter aujourd’hui et qui sont propres « aux Chouettes » et que nous inculquons dès l’école de foot. Nous avons 230 licenciées avec une offre globale qui correspond à ce que nous avons toujours désiré : la pratique pour toutes. Débutantes comme confirmées, en salle comme en extérieur, à 5, à 7, où à 11. Nous proposons du Futsal au féminin, du foot loisir santé également. Cela permet aux femmes, même débutantes, qui ont envie de pratiquer, de pouvoir venir jouer et s’entraîner avec un éducateur. Elles évoluent dans championnat loisir et c’est une richesse car cela amène une vraie ouverture sur le club. »

L’accession de l’équipe réserve en R1 correspond aussi à ce projet global que vous avez initié.
« Nous travaillions dessus depuis quelques années. Nous l’avions raté, la saison passée, à la dernière journée. Nous avons persévéré dans l’idée de réduire  l’écart entre la première et la réserve. C’est fait. Il faut continuer d’avancer pour rester dans l’élite francilienne et pour ne pas qu’un fossé se creuse afin que cela soit toujours plus intéressant pour les joueuses présentes ou qui nous rejoindront. »

 

Par Cyrille Legendre

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